La Maman de la musique camerounaise
A l’âge où la plupart des femmes se glissent dans un repos bien mérité en regardant grandir leurs petits-enfants, Anne-Marie Nzié groove et chaloupe avec un enthousiasme communicatif. Sa voix coule et rebondit de rumba en bikutsi, qu’elle chante aussi bien en douala qu’en éwondo ou en ngumba saupoudrés d’un peu de français ou d’anglais.
Longtemps, Anne Marie Nzié a été une célébrité dans son pays (on la surnomme la “Maman” de la musique camerounaise) puis elle est peu à peu tombée en désuétude avant d’atteindre une sorte d’oubli. Mais en 1996 un animateur de radio, René Ayina, réussit à lui faire donner une série de concerts. Là, contre toute attente des médias, un public enthousiaste la retrouve. Du coup, l’année suivante le Centre Culturel Français de Yaoundé fête dignement ses 40 ans de carrière.
En 1998, le festival d’Angoulême la programme et dans la foulée, Anne-Marie réalise son premier disque en France. Et l’Occident découvre avec plaisir cette nature qui ne mâche pas ses mots (interrogée sur son nouveau succès dans une émission de la Télévision camerounaise, elle n’a pas hésité à fustiger les producteurs africains et le ministère de la Culture). Si elle réagit ainsi, ce n’est pas parce qu’elle n’a rien à perdre, mais parce qu’elle connaît la valeur des choses.
A douze ans, une blessure infectée la cloue sur un lit d’hôpital pendant plusieurs années.Elle en profite pour apprendre à jouer de la guitare dans le style hawaïen et fait le serment de devenir chanteuse si elle s’en sort. En 1954, elle enregistre son premier disque pour un label congolo-belge. Sa voix superbe et sa personnalité hors norme lui confèrent très rapidement la célébrité. De concerts prestigieux en passages radios elle devient une gloire nationale (participation au festival Panafricain d’Alger en 1969, au Festac de Lagos en 1977…). Pourtant, peu à peu son étoile pâlit et elle s’enfonce dans une semi-retraite. En 1984, elle connaît un éphémère regain de succès avec la sortie de son album “Liberté”. Mais il faudra attendre la 2ème moitié des années 90 pour que la reine du Bi-kutsi revienne sur le devant de la scène avec un éclat particulier puisqu’à 67 ans passés, elle s’apprête à entamer une carrière internationale. Avec dans les yeux et dans la voix l’espièglerie d’une petite fille qui joue un bon tour au temps qui passe.
Magali Bergès
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